lunes, 7 de noviembre de 2011

JEAN-PIERRE DIONNET: "GLÉNAT ? OUI MAIS GLÉNAT ESPAGNE (2)"


Dans la collection Parapapel, Salvador Vasquez de  Parga a consacré un gros ouvrage de textes aux romans populaires espagnols, « Héroes y Enamoradas », que nous ne connaissons pas, puisqu’ils ne sont pas arrivés chez nous. L’auteur s’y connait et il brasse large, depuis des fascicules populaires qui ressemblent aux nôtres et qui souvent ont été traduits « de l’étranger » comme chez nous, des livres d’aventure de Curwood à Simenon en passant par Edgar Wallace, il y a même quelques pulps, quasi à l’identique dont « The Shadow » qui s’appelle là-bas « La Sombra ». « The Shadow » n’est pas paru chez nous ce qui aurait peut-être changé bien des destins, mais d’un autre côté nous avions « Fantomas »…
Puis on en vient aux auteurs locaux qui ont fait des pulps locaux et très vite dans les années 40, on voit surgir des romans populaires au format de poche, de science fiction, de western, de polar et des espèces de super héros dont un s’appelle tout simplement Hercule, mais aussi des romans sportifs et encore et toujours, Edgar Wallace. N’oublions pas que son règne fut long dans toute l’Europe et même au-delà, et que dans les années 60/70, il fut adapté par exemple avec un énorme succès par le cinéma allemand de l’ouest où il y a là des choses admirables et nombre de ses films mériteraient d’être exhumés.
Puis vient un héros que je connaissais en bande dessinée mais dont je ne connaissais pas la genèse en roman, un peu comme « Zorro », c’était d’ailleurs son concurrent postérieur, il s’appelait « El Coyote ». Il avait un grand chapeau ridicule et provoqua une floppée de concurrents directs à son tour comme « El Alcon ». Comme les aventures de « Zorro », « El Coyote » se déroulait en Californie, à l’époque où elle était encore espagnole, mais l’auteur m’a aussi donné envie de connaitre davantage un autre auteur qu’il encense : Guillermo Lopez Hipkiss et son « El Encapuchado » Il fut apparemment publié dans tous les pays de langue espagnole et ses protagonistes divers, masqués, comme « La Antorcha » ou « Mascara Negra » sont peut-être une des sources de l’iconographie des catcheurs mexicains.
Et puis il y a des histoires de pirates comme « El pirata negro », des histoires de jungle, des westerns encore mais vus désormais du côté indien, et de la science fiction.
 J’ai été un peu malheureux car des couvertures épatantes sont reproduites en noir et blanc d’autant que certaines, surtout pour les romans de cœur, sont très belles. On y parle aussi, à partir du moment où le franquisme commença à s’écrouler, de romans érotiques pseudo-américains mais dûs à des auteurs espagnols.
Avec « Naviatom », je vois qu’ils avaient leur « Brantonne » qui avait l’air aussi bon que le nôtre, il y eut aussi dans les années 70 aussi, libéralisation des mœurs encore, des romans de terreur avec femmes dévêtues face aux monstres, et plein de sous « James Bond » tout à fait croquignolets, comme « Scum » qui me fait penser, en tout cas pour la couverture, à notre « Doberman ». Et curiosité, un nommé « S.O.S » dont les couvertures sont un copier/coller de notre « S.A.S ».
 Salvador Vasquez de Parga a publié une floppée d’ouvrages sur les comics du franquisme, sur le roman policier, sur les espions dans la fiction, sur le roman noir, des monographies sur les auteurs de BD, Alex Raymond, Harold Foster mais aussi le grand auteur espagnol Emilio Frexas, il est extrêmement agréable à lire et tout à fait passionnant.
Et surtout, il m’a laissé rêveur car il y a deux ou trois ans au Portugal j’ai vu quelques romans populaires qui m’avaient l’air étonnants mais je ne parle pas le portugais. Et comme maintenant j’ai fait le tour de presque toute l’Europe, je m’aperçois que partout, en même temps, il y a eu des fascicules puis des romans populaires puis des livres de poche à grand tirage autour des genres précités. Et je rêve d’un regroupement de fous de tous les pays, une espèce d’Unesco ou d’ONU du bis qui trouverait un éditeur, fou lui aussi, qui recenserait tout ça et nous verrions d’étranges correspondances et aussi de bien curieuses différences. Les ressemblances nous en diraient beaucoup sur ce que nous avons de commun, (souvent une influence américaine, plan Marshall aidant), et les différences nous en diraient beaucoup sur la manière dont l’Europe est en fait un groupement d’états heureusement très différents, un peu comme en Amérique du Nord, les gens de Miami et les texans n’ayant pas grand chose à dire à ceux qui habitent Chicago.
Et pour les fous furieux, il y a un bel index à la fin, des collections de romans populaires par ordre alphabétique, la liste des auteurs qui, comme en France dans les années 50, et cela se prolongea en Italie jusqu’aux années 80, prenaient systématiquement des pseudonymes américains pour se vendre : il y a un Fred Williamson, mais ce n’est évidemment pas l’acteur, il s’appelle en vérité Guillermo Garcia Lopez, il y a deux Jack Gray mais l’un s’appelle Juan Llop Selliarez et l’autre Rafael Segovia Ramos. Un geek futur, un jour, se penchera sûrement sur ce grave problème en nous expliquant pourquoi il ne faut jamais les confondre.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, ce livre m’ayant fait rêver de son équivalent en couleurs, le même auteur, Salvador Vasquez de Parga a publié en grand format « Las Novelas de Aventuras en 250 portadas » dans la collection Pulpa toujours chez Glénat, avec une mise en page superbe, qui contient une sélection des plus belles couvertures couleurs des grands romans d’aventures espagnoles ou des grands romans d’aventures étrangers parus en Espagne.
Et là encore que de surprises admirables, ils ont un illustrateur de « Fantomas » qui s’appelle C. Daro et qui a fait de belles couvertures différentes de celles françaises de Starace, un merveilleux dessinateur des années 20 qui s’appelle Ribas et qui a fait dans la science fiction comme dans le policier, Arturo Ballester, incontournable, et d’autres illustrateurs dont un formidable pour « Tarzan ». L’auteur nous montre ensuite les grands romans policiers et populaires, Sax Rohmer là-bas aussi incontournable avec « Le Scorpion d’or » (« El scorpion d’oro »), et Victor Aguado m’est apparu immédiatement comme un des meilleurs illustrateurs du créateur de « Fu Manchu ». Comme c’était aussi l’époque où l’Espagne publia des espèces de pulps en reprenant les couvertures américaines, il y en a, puis viennent plein de romans populaires de petits formats dans tous les genres évoqués et j’ai été ébloui par « Agus » au trait quasi photographique. Pendant la guerre civile, les affaires continuant, il y eut par exemple un nommé Cobos qui dessinait déjà très exactement comme Torres le fera dans les années 70/80 en BD.
Et puis on passe au gros morceau, au plus grand éditeur populaire d’alors, aux éditions Molino à la collection La Biblioteca Oro.
 Tous les genres étaient abordés et on revenait aux pulps parfois, « Doc Savage » avec sa couverture américaine, il y a un nommé Bocquet qui fait de beaux avions pour une collection d’aventures aéronautiques, et même un roman de Sheckley que je ne connaissais pas, qui s’appelle « El Agent X Action », la couverture est signée par un nommé Noiket, qui fait penser à l’illustrateur américain Bob Peake.
 Il y a d’innombrables illustrateurs de westerns qui valent ceux de la formidable collection belge « Westerns » aux éditions Dupuis, dont l’épatant Salvador Mestres qui fait auusi penser à certains illustrateurs mexicains. Et puis il y a tous les polars espagnols, le succès de Edgar Wallace dont j’ai déjà parlé était tel, qu’il y eut même une collection « Wallace » mais le roman dont on voit la couverture est signé Tono Hattaway et ressemble aux « giallos » à couvertures jaunes italiens de la même période.
Et puis il y a forcément « El Coyote » avec son chapeau trop grand et mes préférés : un justicier urbain équivalent des super héros des origines, « Doctor Niebla » que je connaissais déjà en bande dessinée et dans la même collection Superhombres, « El fantasma » et le fameux « Encapuchado ». Et qui était Mary Ann qui faisait d’étranges couvertures entre mode et terreur de « Los Enigmas del Inspector Vega » ?
 On finit en beauté avec les pirates et les aventuriers réactionnaires ou révolutionnaires à la manière du « Mouron Rouge », avec de petits fascicules vendus en kiosque à partir des années 50 et édités par Bruguera, où il y a aussi des histoires de guerre, de l’exotisme avec des noirs forcément méchants, forcément féroces, comme « Bwana » et une série appelée « Keeper film », adaptation apparemment de films en romans ou édition de romans qui étaient devenus films, ici : « La Dame de Shanghai » d’Orson Welles avec une jolie image de Batet et évidemment il y a la science fiction avec Parera Ribas et Jose Luiz.
 Un voyage au pays des merveilles ibériques,je reviens donc demain à d’autres livres indispensables de Glénat, Espagne.

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