lunes, 7 de noviembre de 2011

DIONNET: "GLÉNAT? OUI, MAIS GLÉNAT ESPAGNE " (13)


                  « La magia de Maga : Desde la nostalgia » de Paco Baena qui est né la même année que  moi il y a longtemps, m’a ému et remué.
 Il a le même âge que moi donc et nous avons en gros la même culture puisqu’il a essentiellement écrit des livres sur le cinéma et ici sur Maga, maison d’édition qui pendant longtemps fit de Valencia (Valence) un des centres de la bande dessinée populaire espagnols.
 Je me souviens que j’allais en camping du côté de Sitges, l’Espagne n’était pas chère pour les petits français alors, il suffisait de travailler un mois chez Kodak à la chaine (et de se couper la main sur les pellicules qu’il fallait trier, mettre dans des petites poubelles, puis les petites poubelles dans des moyennes et les moyennes dans des grandes) pour se payer un mois super.
 Pendant ces vacances ou à un autre moment, peut-être était-ce avec Robert Roquemartine, j’ai rendu visite à un petit libraire de Valence qui s’appelait Antonio Riera et que je n’ai jamais revu.
 Et j’ai découvert chez lui des tonnes de fascicules populaires dont je ne savais rien et qui ressemblaient beaucoup à nos fascicules populaires à nous : dessins approximatifs souvent copiés sur les grands maîtres américains, impression grisâtre, format à l’italienne, des tonnes de merveilles où tous les genres étaient représentés.
 Et c’est cette nostalgie là que nous raconte avec ce beau livre en couleurs, Paco.
 Je ne savais pas alors, Maga c’était comme en France Artima de Tourcoing, que ce petit éditeur publiait avec « El Capitan Trueno » et « El Jabaro » les grands héros de l’Espagne d’alors destinés à la jeunesse.
 Pendant longtemps, j’ai haï ou méprisé ces amateurs de bande dessinée qui voulaient que retrouver leur jeunesse et leur enfance car souvent ils étaient un peu aveugles sur ce qui se passait depuis.  Ils voulaient juste retrouver leurs dix ans.
 Avec le temps j’ai compris que cela n’avait rien de grave, que c’était une manière de voyager dans le temps, et cela l’auteur le fait bien, à côté de sa photo il y a une image du premier comics qu’il a acheté (là-bas ça s’appelle Tebeo) : « Aventuras de boro-kay » dont le héros absurde a un côté absurde, c’est un petit garçon en short avec une chemise rouge, un flingue et des lunettes qui se bat contre des méchants gangsters.  C’est ainsi que j’ai été content de découvrir la première rencontre entre Jorge, le héros de « Pantera Negra » et sa panthère Isabellita !
                              Il y avait des histoires de vikings, de footballeurs, des histoires policières, vaguement inspirées par Alex Raymond et son « Rip Kirby » comme « Hombres de Ley » (« Hommes de loi »), des histoires moyenâgeuses avec des costumes étrangement sciencefictionnesques comme « El Guerrero del Antifaz » et des mises en pages audacieuses qui faisaient un peu penser aux premiers comic books, comme « Rebelion » où le titre venant bousculer les personnages qui se battent, ressemble à du Eisner.
                              Il y a des contes de fée, avec des rois forcément maudits, des histoires d’indiens qui s’appelaient tout simplement « apaches », des histoires exotiques qui s’appelaient « bengala » et des dessins affreux mais qui donnaient envie comme « Piel de Lobo » avec des géants qui attrapaient les héros dans leurs mains pour mieux les écraser.
 C’est un livre qu’on peut lire mais on n’est pas obligé, on peut regarder simplement les images et rêver sur « El acrobata terremoto » où les trapézistes du cirque s’accrochent à des parapluies, « Audaces legionarios » : la mythologie de la légion dans l’Espagne franquiste, était à la mode comme en France, avec ces « salopards » auxquels on ne demandait pas leur passé mais simplement dans l’avenir d’obéir et de se battre, s’inventant une vie nouvelle.
 Il y avait les histoires de Californie, de la Californie de langue espagnole bien sûr, un cousin de « Hercule » dessiné par Lopez Bianco, qui s’appelait tout simplement « Colosso » et qui faisait bien son travail : taper les méchants et les jeter au loin, des histoires liées à l’histoire espagnole et des héros aussi que nous vimes aussi comme chez nous comme « Don Z » qui était, paraît-il, le fils de Zorro, et des histoires plutôt bien dessinées comme « El Espia » (« L’Espion ») dûes à des auteurs dont la carrière dura plus longtemps comme José Ortiz ou Eustaquio Segrelles qui n’a rien à voir avec le grand illustrateur des « 1001 Noches », ni avec le dessinateur du « Mercenaire » plus tard.
                              Il y a eu « Huracan », une espèce de Flash Gordon local qui se bat contre des hommes fourmis dans un monde de space opera : une colonie pénitencière sur la lune et « Pantera Negra », un Tarzan local, la moitié plagiée sur Foster, la moitié plagiée sur Hogarth.
                                Et on découvre quelques imports comme « Le Chevalier Blanc » de Funcken qui apparemment dura pas mal là-bas. Les fascicules étaient minces et le héros avait à peine le temps de rencontrer les méchants qu’il devait déjà les défaire et passer à l’aventure suivante. C’était bien, et ce qui est bien surtout c’est la manière maniaque et extrêmement sérieuse dont Paco décrit ces personnages et leurs aventures comme s’il s’agissait d’œuvres importantes.
 Après tout elles le sont pour lui et comme il sait les raconter, elles le deviennent pour nous.

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